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Deen Burbigo : recevoir, transformer et diffuser

Au cas où vous auriez encore des doutes, la loyauté et la fidélité sont deux valeurs difficiles à remettre en question dans mes écrits mais également concernant ma sensibilité musicale. Sans grande surprise pour certains et contre toute attente pour d’autres, je n’ai pu m’empêcher de réitérer tellement son rap et son écriture me fascinent depuis de nombreuses années. Amatrice discrète mais pas moins convaincue, il est de ces artistes que je ne pourrais omettre de citer parmi mes incontournables. Depuis presque une décennie, Deen Burbigo m’accompagne, de près ou de loin, dans les différentes étapes de ma vie et, quand j’en parle à ma mère, ce sont toujours avec des yeux vitreux qu’elle me regarde et m’écoute, car elle-même l’a vécu (ou subi, tout dépend de l’espace temps dans lequel nous nous trouvons)


Fin 2016, lors d’un trajet lambda en voiture en sa compagnie, je me branche sur la radio que je considérais comme la radio référence à l’époque en termes de rap. Rare se faisait les fois où je lui imposais mes goûts musicaux mais il faut croire que ce jour-là, c’était un mal pour un bien ; en deux coups de téléphone, je me suis retrouvée à devoir choisir une ville pour aller voir le S-Crew en concert. Quelques mois plus tard, nous étions à Marseille, à presque 700km d’où nous habitions à l’époque ; j’avais la chance d’assister à ce concert et dans un même temps, de pousser mes parents à aller découvrir une ville qui leur était jusqu’alors inconnue. L’évocation de ce souvenir de famille a toujours le don d’émouvoir ma mère, tout comme l’apparition furtive de Deen lors du concert pour interpréter le single « On y va », a su m’emporter et me convaincre. 


Étrangement, j’ai toujours pensé que les âmes de certains individus pouvaient être reliées et que, d’une manière ou d’une autre, elles étaient faites pour se rencontrer. Depuis 2016, le chemin de Deen a croisé le mien plusieurs fois et c’est grâce à l’écriture que la vitre a été brisée, me laissant disperser quelques bribes de souvenirs de part et d’autre pour en construire et en vivre de nouveaux. 


Ainsi, les années passent mais la musique et les écrits restent. Mon premier papier au sujet de sa carrière, publié il y a déjà 2 ans, a été tout aussi angoissant qu’excitant puisque c’est avec cette chronique que j’ai eu le courage d’affiner mon écriture pour en faire quelque chose de plus intime, de plus véritable, à mon image. OG SAN II est sorti le 7 juillet 2023, deux ans après le premier volume et étonnement, il semblerait que les feuilles n’aient pas été entièrement noircies. 



Un match en deux manches…


Lorsque j’ai commencé à écrire ces lignes, je me suis évidemment tournée vers ma première production le concernant. Tout comme lui au moment de la sortie d’OG SAN premier du nom, je commençais à trouver ma marque de fabrique, à consolider mon identité, ma valeur ajoutée à travers mon écriture et la direction que je souhaitais lui faire prendre. 


Deen fait partie de cette génération de rappeurs qui en ont vu d’autres naître, devenant parfois une source d’inspiration. Il suffit simplement de l’observer et de l’écouter pour comprendre sa dévotion envers cette culture depuis ses débuts ; des années qui aujourd’hui, lui rendent peu à peu l’estime qu’il mérite. 


Lors de la première écoute d’OG SAN I, j’ai ressenti comme l’arrivée d’une nouvelle ère avec un artiste ayant le recul et l’expérience nécessaire pour se rapprocher de ce qu’il aspire à être et à réaliser. Pour autant, le rapport au temps exprimé au travers des mots mais aussi des notes et des percussions reste instable, à la recherche d’un équilibre peut-être parfois illusoire. À l’image d’une manche, le changement de terrain constaté entre OG SAN I et OG SAN II est sans arrêt de jeu et suit une continuité maîtrisée, où le second volet est tout autant incisif que le premier, si ce n’est plus. 


…Pour perfectionner son jeu de jambes 


« Avant cercle vertueux j’étais en sommeil comme un volcan » (Des litres et des volts - OG SAN II) 

Comme tout début de carrière en solo, celui de Deen a été réfléchi et travaillé certes, mais avec du recul, je ne peux m’empêcher de me dire que celui-ci a été tempéré. À travers ses différentes apparitions en solo ou avec l’Entourage, Deen a très vite été reconnu pour sa voix grave et tranchante ainsi que pour son attitude assumée de baron, habillée par des figures de style à n’en plus finir. 


À un moment donné de sa carrière, certains de ces traits ont tenté d’être dissimulés au profit de caractéristiques plus douces, parfois plus chantantes, sur des formats longs pour diversifier une palette déjà bien complète et surtout bien spécifique. Or, il n’a pas fallu attendre des années pour que le naturel revienne au galop.


« Quand j’suis dans ton poste, tu m’reconnais sans vérification »  (Sennin Mode - OG SAN I)

Les saisons s’écoulent, les feuilles tombent quand les fleurs se préparent à démarrer un nouveau cycle mais le temps n’est que bénéfique pour Deen. De ses allures de OG reflètent ses inspirations et notamment l’empreinte forte de Nipsey Hussle laissé sur lui et sa vision de l’industrie, de cette passion devenue métier.  L’indépendance est toujours prônée haut et fort, l’argent est toujours le nerf de la guerre mais l’honneur, la dignité, le respect et la loyauté ne sont pas pour autant oubliés. 


« F*ck l’argent, le temps c’est le graal » (Amour - OG SAN II)

Les marques du temps, aussi naturelles soient-elles, ne laissent néanmoins pas Deen à la traîne. Malgré une discrétion bien connue lorsque la période n’est pas à la promotion, celui-ci reste en veille sur ce qu’il se passe artistiquement et musicalement, convoitant toujours des adversaires de haut standing. Sur OG SAN II, Lesram et Lisma D’Aulnay viennent apporter leurs nuances sur des passe-passe techniques et performants, face à 6 titres en solo aussi divers les uns que les autres. Alliant ses influences New-Yorkaises et son appétence pour les propositions de la nouvelle génération, Deen ne cesse d’évoluer à travers son art, tout en dealant avec un perfectionnisme sans fin et une satiété qui laisse à désirer. 


Vers une nouvelle syntonie


« Au-dessus des toits, sous les étoiles, les deux yeux fermés j’ponds des vraies toiles »  (Domaine - OG SAN II)

Très observateur mais également très sensible au monde qui s’embrase autour de lui, j’ai le sentiment que Deen porte une certaine vigilance à protéger ce qui lui est cher. La sublime peinture de Lossapardo en guise de cover met d’ailleurs très bien en évidence cet aspect :  face à Deen, en arrière plan, le monde brûle, se détruit. Dans sa main gauche, il tient précieusement une bulle où se trouve le bonsaï entretenu sur la cover d’OG SAN I. Bien que la couleur relative à l’urgence qu’est le rouge prédomine toujours, celle-ci met aussi en avant la passion, le combat et tout ce qui est à trait au vivant. Musicalement, le morceau « Recommande », placé en cinquième position dans la lecture de l’EP, est une parfaite transition entre ses deux mondes qui paraissent être en opposition : dans les premiers morceaux Deen déverse sa lave quand dans la seconde, il est question de paix, d’apaisement. 





« L’équilibre est fragile, suffit pas d’être agile »  (OKINAWA - OG SAN II)

Du plus loin que je me souvienne, la recherche de cet équilibre entre la révolte et la paix a toujours été une caractéristique prédominante dans ses propositions. Preuve de sincérité, les années passent et Deen nous donne l’opportunité de le suivre dans ses quêtes ; chaque nouvelle étape débloquée est accessible puisqu’il nous l’offre.   


Quand j’écoute OG SAN II (et très souvent quand j’écoute Deen de manière générale), je ne peux m’empêcher de penser aux différentes étapes d’une éruption volcanique. Deen n’est jamais éteint, toujours en veille, toujours à une émotion et au mot près lui permettant d’évacuer et de s’exprimer après une agitation importante. Mais tout comme les volcans, il est quasi-impossible de prévoir la prochaine éruption, et quelle en sera son étendue. 



Écrit par Lorraine BIAVA

Le 16 mars 2024

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