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L’opportunité du changement

Dire que la musique nous accompagne à chaque moment de nos vies revient finalement à enfoncer des portes ouvertes. Pour autant, lorsque je me suis lancée dans le classement de mes 3 albums favoris de 2023, j’avais l’intime conviction que j’allais en retirer quelque chose de bien plus profond qu’une simple classification de disques, même si celle-ci m’a pris plus de temps que prévu et m’a surtout donné plus de fil à retordre qu’imaginé. Sans grande surprise, les 3 albums m’ayant le plus accompagné sur les 12 derniers mois ont vraisemblablement un message à me faire passer, une histoire à retracer. Reste encore à savoir laquelle, reste encore à trouver la force de voir ce qu’on ne veut pas toujours voir. 


Lil Durk - Almost Healed / Lil Tjay - 222 / Hamza - Sincèrement


Prospérer ou lutter ? 


Quand nous vivons en combinant vices et stabilité, la balance ne finit-elle pas, malgré nous, par pencher d’un côté plutôt que de l’autre ?


Accompagnée par les premières notes stridentes de piano de l’Introduction de « Sincèrement », j’ai vu une confrontation prendre place au centre de la pièce la plus occupée de notre vie : l’esprit. Prospérer ou lutter : faut-il choisir son camp ?

D’un prime abord, je me suis avancée en les confrontant mais j’ai fini par me demander si avant cela, il ne fallait pas l’accepter comme étant une réalité, un continuum. Nombre de fois, les paradoxes m’ont sauté au visage mais un seul reste très souvent devant mes yeux : la vertu de la stabilité contre le vice du vagabondage.


« Sincèrement », sorti en février 2023, est pour moi un recul de 10 ans d’âge sur une évolution et une situation vécue en un éclair. Il est le parfait reflet de la graine semée durant de nombreuses années, pour que les fleurs apparaissent enfin, quitte à parfois se faner. 


« J’voulais cette putain de vie et j’en paye le prix » (Tsunami, Sincèrement)

18 titres au travers duquel la raison se confronte au cœur, la réalité se confronte au rêve, et comme à son habitude avec Hamza, où la nuit souhaite échapper au jour. L’excès devient un confort, les émotions laissent s’échouer les souvenirs, les ressentiments et les espoirs, tantôt envolés, tantôt éclos trop tôt. 


À travers ses nombreuses définitions, le fait de prospérer est toujours rattaché à une connotation positive, même s’il s’agit parfois de se développer au dépens d’autre chose. D’ailleurs, il est également question de cette « autre chose » lorsqu’il s’agit de lutter. Au-delà de l’aspect physique où l’on se (dé)battrait pour atteindre un idéal, la notion d’effort et de compromis pour venir à bout de ce que l’on considère comme étant valable, implique de cultiver ce qui nous semble bon contre ce qui nous parait néfaste. Malgré moi, le duel persiste mais jamais ne s’allie, à une exception près : à l’écoute de « Sincèrement ». 


« SI j’avais des ailes, j’irais voir loin près des nuages » (Introduction, Sincèrement) 

Ce n’est rien écrire de nouveau que d’énoncer que ce troisième album studio est très certainement le plus intime et introspectif d’Hamza. En revanche, essayer de comprendre en quoi il l’est, et ce que l’on en fait devient plus intéressant. 


L’imperfection avec laquelle Hamza se raconte en tant qu’humain n’a évidemment pas su me laisser de marbre. Pendant près d’une heure, je découvre un Hamza à l’aise avec ses sentiments, avec une certaine fragilité, lui permettant de mettre en lumière ses émotions primaires comme secondaires, à travers une narration parfois bafouée mais surtout sublimée. 


Dispersé dans des vanités diverses et variées tout en étant concentré sur l’essentiel et à la recherche du droit chemin, j’ai finalement l’impression que le seul moyen trouvé par Hamza afin de se désinhiber de toutes les contradictions qui façonnent sa vie a été de les romancer, de la manière la plus sincère possible.


(Dés)inhibition et (dés)illusions 


En 2023, Hamza n’a pas été le seul a être disposé à affronter sa propre vérité puisque deux de ses confrères du continent américain ont réalisé deux albums d’une puissance émotionnelle sans pareil. 


Plus d’un an après l’effroyable drame de sa fusillade survenue le 22 juin 2022, Lil Tjay sort son troisième album studio « 222 » en été 2023. À seulement 21 ans, le rappeur New-Yorkais se retrouve confronté à sa propre mort après avoir reçu 7 balles dans le torse. Bien connu pour son expression laconique, Lil Tjay a tout de même beaucoup de choses à exprimer, un sac à vider, des morceaux à recoller et une chair à se ré-attribuer. 


J’ai ressenti « 222 » comme un fracas d’émotions dont l’essentiel se retrouve désormais au sol, éparpillé, malgré lui. 15 titres où il s’agit de différencier les éclats de certains morceaux de vie connus contre ceux qu’il est nécessaire de se ré-approprier. Il s’agit d’un récit musical face auquel être stoïque est inapproprié : l’événement central de celui-ci laisse penser que Lil Tjay a considérablement repensé sa façon de vivre, ses priorités et la manière dont il considère et partage son énergie. La narration prend une place tellement importante dans chacun des morceaux qu’il n’est plus question de se mettre à sa place puisque nous revivons l’intégralité de son chemin de pensées et des sentiments ressentis allant de la gestion de la douleur, à la revanche, aux fantasmes, sans oublier l’amour. Au-delà de la référence symbolique au numéro des anges, « 222 » est un rappel, une bénédiction à travers un amas de tristesse romancé, que l’on a finalement envie de partager. 


« Let the pain flow out in rhymes »  (Hole in my heart - 222)

Quand Lil Tjay se relève et se rèvéle, cela donne une cover impudique laissant apparaitre un torse nu, criblé de cicatrices visibles mais nombre d’entre elles sont invisibles à l’œil nu. D’une autre manière, c’est également le cas de Lil Durk, qui choisi de cacher l’intégralité de son visage, ne laissant apparaitre qu’un œil avec un regard ensanglanté : les plumes font couler l’encre mais également les larmes, et il n’a pas manqué de l’imager. 


Que ce soit Durk ou Tjay, tous deux poursuivent un long chemin où l’objectif est commun : changer. « Almost Healed » parle de lui-même autant de part l’imagerie que par le choix du titre et de la tracklist, malgré une cohérence parfois compliqué à épouser. Composé de 21 morceaux, l’album atteste d’une frontière très fine entre ce que Durk recherche et ce qu’il a déjà ; entre la paix et les hostilités. La première partie du projet est très introspective, Alicia Keys pousse d’ailleurs, sans modération, l’état mental du rappeur de Chicago afin que celui-ci soit le plus émotif possible. Comme à son habitude, aucun filtre ne sépare Durk du micro, même pas les tragédies et les scandales connus auxquels il est rattaché. Cette transparence n’est pas maquillée longtemps puisque la moitié de l’album n’est que violence et agressivité ; les démons refont surface et la prospérité espérée n’est qu’un lointain souvenir. De manière cyclique, la recherche du changement pour un meilleur Durk revient ; il aperçoit les chances défilées et tente tant bien que mal de les saisir


« I confess, where the therapy at ? » (Belt2ass)  

Confessions


Sans même savoir ce qu’il allait ressortir de ce papier, il était question de saisir. Saisir pour distinguer, nuancer, ajuster, comprendre, apprendre et ressentir. 2023 a été une année riche, animée par autant de hauts que de bas, ayant la même intensité. 2023 a été l’année où j’ai concrétisé, réalisé, encaissé et assumé. 


Ces 3 albums ont su m’accompagner dans différentes étapes, différentes périodes et sont à l’origine de nombreux souvenirs. Les mettre par écrit avec la subtilité et la sincérité qui m’est connue a été un véritable chemin mais a su me confirmer une chose : rendre sensible à d’autres pour partager la perception de ce qui a été appréhendé : voilà ce qu’est véritablement saisir. Ces 3 albums ont eu ce même effet sur moi et y poser des mots m’a permis de constater qu’un point commun les réunissait : l’opportunité du changement

Encore faut-il vouloir la saisir. 


Écrit par Lorraine BIAVA

15/01/2023

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